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Ces dernières semaines, la presse a fait écho d’une attitude plus agressive de l’administration fiscale belge en ce qui concerne les revenus immobiliers perçus par une personne physique. Cette dernière tenterait de requalifier dans certains cas ces revenus immobiliers en revenus professionnels. Faisons le point sur la question.

En Belgique, de nombreux contribuables deviennent propriétaires d’un immeuble en Belgique en vue de le mettre en location (à des personnes privées).

Cet engouement à investir dans l’immobilier s’explique par plusieurs raisons et notamment le souhait de compléter le montant de la pension légale en bénéficiant d’un rendement élevé et sûr via les loyers. De plus, le climat actuel permet de bénéficier de taux hypothécaires bas qui stimulent le contexte immobilier du pays. Enfin, un achat immobilier peut également servir à mettre en œuvre une planification successorale si cet achat se fait sous la forme d’un achat scindé, par exemple.

D’un point de vue fiscal, il existe deux avantages supplémentaires à investir dans l’immobilier. Le premier est la taxation des loyers qui reste relativement clémente car ce ne sont pas les loyers nets effectivement perçus qui sont taxés mais bien le revenu cadastral indexé x 1,4. Et le deuxième est l’exonération de la plus-value réalisée lors de la vente de cet immeuble, à la condition notamment que la revente intervienne plus de cinq ans après l’acquisition.

Attention toutefois à ce que dans certaines circonstances particulières les loyers et les plus-values immobilières peuvent être imposables comme revenus professionnels, au tarif progressif (dont le taux marginal s’élève à 50%). Ils peuvent également être imposables au titre de revenus divers (au taux de 33%) en dernier recours.

En pratique, un revenu immobilier d’un loyer « professionnel » est bien plus élevé que celui d’un loyer « privé ».

Exemple (E.I. 2019) :
Un bâtiment qui a un revenu cadastral de base de 1.250 € et un loyer brut annuel de 10.200 €.

  • Usage privé :

À déclarer au code 1106 : 1.250 €
Revenu immobilier : 1,4 x (1.250 € x 1,7863 = 2.233 €) = 3.126,20 €.

  • Usage professionnel :

À déclarer au code 1109 : 1.250 €
À déclarer au code 1110 : 10.200 €
Revenu immobilier = 10.200 € – (2/3 x 1.250 € x 4,47 = 3.725 €) = 6.475 € imposables, soit comparé à un usage privé un revenu supplémentaire de 6.475 € – 3.126,20 = 3.348,80 € ou un impôt supplémentaire d’environ 1.791 € (au taux de 50% et de 7% d’additionnel communal).

En effet, si l’administration fiscale estime que vous possédez un trop grand nombre d’immeubles, que vous êtes un peu trop actif dans l’immobilier et que d’une certaine manière cette activité va au-delà de la gestion normale d’un patrimoine privé, l’administration risque de requalifier les revenus en revenus issus d’une activité professionnelle.

La question est dès lors la suivante : comment m’assurer que mon achat immobilier n’entrera pas dans la sphère d’une activité professionnelle et ne dépassera pas le cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé ? Quand l’administration fiscale peut-elle requalifier un revenu en revenu professionnel voire en revenu divers ?

En théorie, les opérations immobilières effectuées doivent être considérées comme des opérations de gestion normale d’un patrimoine privé. Mais la définition étant assez floue, il s’agit d’une question de fait soumise à l’appréciation de l’administration fiscale en fonction des circonstances propres à chaque cas et, en cas de contestation, du juge. À cet égard, toute une série d’éléments entourant l’opération de revente doit être prise en compte. En pratique, plusieurs indices permettent de confirmer le caractère non-professionnel et normal de la gestion d’un patrimoine privé.

Nous vous exposons certains critères d’appréciation retenus par l’administration :

  • Le nombre d’opérations. Un premier indice est le caractère répétitif des opérations dans le temps. En effet, une certaine constance dans les opérations de ventes et d’achats de biens immobiliers peut mener à une requalification en revenus professionnels. Le caractère successif des opérations de rachats et de reventes est également un bon indicateur aux yeux de l’administration fiscale.

Exemple : dans un arrêt du 20 février 2018, la Cour d’appel de Liège a jugé que les loyers perçus par un contribuable et les plus-values réalisées lors de la revente d’immeubles devaient être taxés au titre de revenus professionnels à 50%. Dans cette situation, le juge a estimé que la mise en location de six logements procurait des revenus professionnels au bailleur concerné. En effet, le bailleur ne disposait d’aucune épargne et a acheté ces immeubles en l’espace de trois années à l’aide de plusieurs crédits hypothécaires.
Exemple : dans un arrêt du 19 juin 2018, la Cour d’appel d’Anvers a jugé que la plus-value réalisée lors de la revente de cinq appartements faisant partie d’un même immeuble devait être taxée au titre de revenus professionnels. Dans cette situation, le juge a estimé que l’achat d’un terrain à bâtir au prix de 225.000 € sur lequel le particulier avait fait ériger un immeuble à appartements (dont le coût des travaux s’élevait à 430.000 €), pour ensuite revendre ce bien un an et demi plus tard au prix de 780.000 €, donnait lieu à une plus-value de 95.000 € imposable au titre de revenus professionnels.

  • L’acheteur est un professionnel du secteur immobilier. Ensuite, il convient d’être vigilant si vous avez une activité professionnelle qui nécessite des connaissances et une pratique en matière d’investissements immobiliers (agents immobiliers, entrepreneurs, etc.). En effet, être un « professionnel de l’immobilier » pourrait donner lieu plus facilement à une requalification peu favorable en revenus professionnels.
  • La gestion administrative du bien. En effet, le temps investi dans le bien immobilier peut être une circonstance aggravante. Si vous passez vos journées à vous occuper de la gestion administrative de vos biens immobiliers et de vos locataires, cela peut jouer en votre défaveur. Cependant, si vous exercez une activité professionnelle n’ayant aucun lien avec l’immobilier et que vous avez délégué l’ensemble de la gestion administrative de vos biens à une tierce personne, le risque est limité.
  • Les améliorations apportées à l’immeuble. Le temps investi dans la rénovation du bien peut également avoir une influence. Une personne qui achète des biens immobiliers en vue de les rénover ou transformer lui-même pour ensuite les revendre avec une plus-value encourt un risque plus élevé de voir sa plus-value taxée. A contrario, l’achat d’un bien immobilier neuf vous offre plus de sécurité de ce point de vue.
  • Le recours à plusieurs emprunts et ouvertures de crédits. Ce critère est à relativiser en fonction de l’importance du patrimoine de l’acheteur. Au plus le patrimoine de ce dernier est important par rapport au montant emprunté, au moins il y aura de risque.

Bien entendu, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos interrogations.

Alice Compère – Juriste fiscaliste chez Pareto SA